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L’endoscopie a donné à la chirurgie de l’oreille moyenne un nouvel élan. Si pendant près de cinquante ans le microscope opératoire  a permis des progrès décisifs dans la chirurgie des cavités de l’oreille moyenne, son utilisation s’est heurtée à l’existence d’inévitables angles morts notamment au niveau du rétrotympanum  et de la région de l’épitympanum antérieur.

Malgré l’introduction des optiques et la sécurité qu’ils gênèrent dans la qualité d’exérèse du cholestéatome, la chirurgie de ce dernier répond pour la plupart des auteurs à une chirurgie en deux temps avec une révision effectuée entre le 12ème et le 24ème mois.

Si durant le temps d’exérèse initial du cholestéatome l’endoscopie représente un complément de la chirurgie sous microscope auquel elle ne saurait se substituer, elle constitue en revanche, lors du deuxième temps, un nouveau concept de chirurgie endoscopique sous vidéocontrôle. Elle permet d’effectuer des abords a minima avec des délabrements chirurgicaux réduits en assurant une qualité de contrôle optimale.
Ces contrôles qui peuvent être réalisés en ambulatoire sont mieux acceptés par les patients qui ne comprennent pas toujours la nécessité de réviser une oreille asymptomatique.
Nous effectuons  nos révisions actuellement dans plus de 80 % par ces voies à minima sous vidéocontrôle, et ceci quelque soit l’état des cavités postérieures sur les tomodensitométries pré-opératoires. Bien évidemment, la voie à minima n’a aucune intérêt lorsque l’examen endoscopique montre l’existence d’une récidive de cholestéatome («récurrent cholesteatoma »).

  a-Matériel
     a.1-Les endoscopes

Pour la chirurgie oto-vidéo-endoscopique  des cavités de l’oreille moyenne le chirurgien doit pouvoir disposer de 3 optiques dont les caractéristiques techniques donnent une image plein écran sur le moniteur vidéo.
Il s’agit d’optiques de 0,30 et 70° d’angle de 2,7 mm de diamètre. Les otoscopes de 30° et 70° sont utilisés pour la chirurgie du rétrotympanum interne (sinus tympani ). Les endoscopes sont disposés sur la table de l’instrumentiste dans un support qui les protège des chocs. Chaque endoscope est rangé dans un fourreau avec un code de couleur selon son angulation.
Un liquide antibué est indispensable pour nettoyer avant chaque utilisation la lentille de l’optique.

     a.2-La source de lumière froide
La source de lumière froide avec une ampoule de xénon de 300 watts permet une luminosité parfaite. Cette fontaine à lumière froide est reliée à un endoscope par l’intermédiaire d’un câble de lumière à fibre de verre d’une longueur de 180 cm.

     a.3-La microcaméra
La microcaméra intermédiaire indispensable entre l’optique et l’écran vidéo doit être très performante. Elle doit être ergonomique, légère très sensible, munie d’un objectif à zoom intégré qui donne une image agrandie sur le moniteur.
Nous utilisons une caméra exploitant la technologie à 3 chips CCD pour la saisie et le traitement séparés pour les trois couleurs fondamentales (Endovision tricam, *, STORZ). Cette caméra doit être absolument immersible dans les solutions chimiques appropriées pour la désinfection. Il est bien entendu possible d’utiliser une house stérile à cet effet.

     a.4-Les micro-instruments   
Les différentes fossettes qui composent le rétrotympanum ont une orientation perpendiculaire à celle du conduit auditif externe en retrait par rapport au sulcus, et l’exérèse de fragments de cholestéatome à ce niveau impose l’utilisation de micro-instruments coudés.
Le set d’instrumentation ( STORZ ) comprend :
Un microdissecteur double, dont une extrémité est contre coudée à droite et l’autre à gauche,
- un microdissecteur coudé à droite et à gauche,
- un microcrochet courbe 90°,
- une microrugine,
- un support pour les microaspirations,
- des microaspirations de 0,6; 0,8 et 1 mm de diamètre,
- des micropinces coudées à 90° à mors cupule et à mors strié.

     a.5-L’instrumentation laser
Elle se compose de deux tiges guide adaptables sur les autres endoscopes 0 et 30° d’angle et possèdent un canal opérateur latéral permettant l’introduction d’une fibre de  200 à 400 microns de diamètre.

   b-Technique chirurgicale de la révision à minima sous vidéocontrôle
Initialement décrite par Kanzacki ( ) nous utilisons cette voie dés 1982. Elle est devenue quasi-systématique depuis 1992.
Comme Bowdler ( ) notre attitude a évolué ces dernières années.
Avant 1992, nous orientions notre choix de voie d’abord sur les résultats de la tomodensitométrie pré-opératoire, en réservant la voie  a minima pour les cavités parfaitement ventilées au scanner. Actuellement, elle représente environ 76% de nos procédures, et 80%  des 19 derniers cas  concernant des opacités diffuses.
En cas de récidive cholestéatomateuse (otoscopie), la voie
a minima est contre-indiquée car elle ne permet pas de réaliser l’exérèse du cholestéatome dans des conditions  de sécurité satisfaisantes.
Nous effectuons cette intervention dans la majorité des cas sous anesthésie générales mais elle peut s’effectuer sous anesthésie locale.

     b.1-L’installation du patient
Le patient est couché en décubitus dorsal la tête tournée vers le côté qui n’est pas opérée.
La table opératoire est située en proclive de 15 à 20° afin d’assurer un drainage postural et de diminuer ainsi le saignement per-opératoire.
L’opérateur confortablement assis sur un siège réglable en hauteur est situé en regard de l’oreille à opérer. Le microscope opératoire est installé classiquement en face du chirurgien et le bras articulé face en pont au dessus de la tête du patient.
L’instrumentiste et la table d’instruments sont placés à la tête de la table.
Il faut préserver un espace libre au maniement des optiques. Un assistant «muet» est situé au dessus de l’abdomen sur lequel on dispose avec sécurité la microcaméra, le support d’optiques avec les endoscopes 0, 30 et 70° et une compresse non tissée imbibée de produit antibuée.
Le meuble contenant le moniteur vidéo est installé en face du chirurgien, à côté du microscope. Cette installation permet le passage facile microcoscope-endoscope en basculant latéralement le bras articulé du microscope. Un boitier électronique permet le passage de l’image endoscopique à l’image microscopique en cas de besoin.

     b.2-La technique opératoire
L’intervention commence toujours par un bilan lésionnel. Après nettoyage du conduit auditif externe à travers un spéculum, on introduit un endoscope de 4 mm, ou de 2,7 mm de diamètre, 0° d’angle afin de préciser l’état du tympan.
En cas de perforation, l’optique pourra franchir la barrière tympanique et nous renseigner ainsi sur l’état de la caisse et de la chaîne ossiculaire.

         b.2.a-L’incision postérieure à minima
Après infiltration de la région rétroauriculaire et de la peau du conduit, l’incision à minima est effectuée au bistouri froid, lame (11 ). Cette incision est effectuée dans le sillon rétroauriculaire. Elle mesure entre 1 et 1,5 cm et permet le passage de l’optique et d’un instrument de microchirurgie otologique. Elle est centrée sur la conque, en regard de la racine de l’hélix et nous donne ainsi la projection cutanée de l’antre mastoïdien. Cette incision est menée jusqu’au périoste mastoïdien, une hémostase rigoureuse étant assurée à la pince bipolaire  pour éviter la souillure de l’optique.

En cas de réossification mastoïdienne, éventualité rare que nous n’avons rencontré que dans la population infantile, un fraisage limité de la corticale permet l’introduction des optiques et des microinstruments.

L’abord de la cavité mastoïdienne achevé, un écarteur orthostatique à deux branches maintient l’ouverture des berges cutanées
Un spéculum otologique maintenu par un bras articulé peut être également être utilisé à cet effet pour éviter la souillure de l’optique.

         b.2.b-Le contrôle des cavités
            b.2.b.1-Les cavités postérieures
Ce contrôle commence par les cavités mastoïdiennes. L’optique 0° tenu par la main gauche pour un sujet droitier est introduit au niveau de la cavité mastoïdo-antrale.  
La main droite est libre pour l’utilisation d’une aspiration ou de microinstruments.
Dans la plupart des cas, il existe un feutrage qui est progressivement dilacéré soit au microinstrument ou bien encore au moyen du laser couplé à l’endoscope.
Ce laser permettra également de parfaire l’hémostase en cas de saignement.
Le débridement terminé, l’optique d’un mouvement circulaire balaye l’intégralité de la cavité mastoïdienne et de l’antre. Une lame de silastic déposée éventuellement  à la fin  du premier temps d’exérèse du cholestéatome peut alors être retirée.
En cas  de cholestéatome résiduel dans les cavités postérieures (perle) ce dernier pourra facilement être retiré avec sa muqueuse de voisinage. La perle apparaît très visiblement sous l’aspect d’un blanc nacré ainsi éclairé par la lumière froide de l’optique. L’utilisation du laser peut être également intéressante à ce niveau en vaporisant de façon atraumatique les reliquats épidermiques et surtout la muqueuse à son contact.
L’examen des cavités postérieures terminé, on poursuit l’exploration en avant et en dedans.

            b.2.b.2-L’inspection de l’épitympanum
Elle est toujours réalisée à l’optique 0° d’angle. Cette région qui est une localisation fréquente pour les cholestéatomes  résiduels devra très soigneusement être analysée. L’optique permet de pousser le  contrôle très en avant là ou le microscope est gêné par d’inévitables angles morts, ou lorsqu’il existe des procidences méningées ou veineuses.
L’optique peut mettre en évidence la saillie du canal semi circulaire latéral. On remarquera au passage la fenêtre de tympanotomie postérieure qui est le plus souvent obturée par un voile muqueux qui pourra être  sectionné au moyen d’un microdissecteur ou encore par une vaporisation laser.
La vision grand angulaire de l’optique à 0° nous permet alors d’apercevoir déjà le bouton de l’étrier, la paroi médiale de la caisse, le relief du canal du facial dans sa deuxième portion, de même que le canal du muscle tenseur du tympan au niveau du protympanum.

            b.2.b.3-Le contrôle de la caisse du tympan
L’optique 0° est retirée et on introduit alors une optique à 30°  de 2,7 mm de diamètre qui sera descendue dans la région atticale puis enfin l’optique à 70°. Par ses différentes angulations et le jeu de leur rotation, on obtient une vue complète sur la caisse du tympan à l’exception toutefois du rétrotympanum interne. La face muqueuse de la membrane tympanique ainsi que l’état des osselets et d’un éventuel montage ossiculaire peut être apprécié. En cas de nécessité de contrôler la région du rétrotympanum interne ou lorsqu’il faudra exécuter une ossiculoplastie, un abord par une voie transméatale à minima peut être associé à la voie postérieure à minima.
En cas de cholestéatome résiduel au niveau de la région du sinus tympani, celui-ci pourra facilement être retiré à l’aide de la micro-instrumentation spécifique mise au point par le Professeur Jean Marc Thomassin. Cette intervention se terminera donc par le temps d’ossiculoplastie qui dépendra de l’état de la chaîne ossiculaire. Cette ossiculoplastie sera menée le plus souvent par une voie du conduit à minima ou dans certains cas par la fenêtre de tympanotomie postérieure par la voie d’abord à minima postérieure.

         b.2.c-La fermeture et le pansement
L’incision rétroauriculaire est fermée en deux plans par des points séparés avec un fil à résorption lente.
Dans  le cas d’une voie du conduit associée un pansement habituel de type gelfoam* et silastic roulé sera placé  dans le méat auditif externe.

     b.3-Validité de la technique
La voie a minima nous offre de nombreux avantages  dans la réalisation de ces deuxièmes temps et ceci avec une grande sécurité dans la qualité du contrôle.
Afin de valider de manière objective cette technique, Rosenberg et Silverstein sur 10 cas, ont effectué une révision a minima qu’ils ont secondairement agrandi en voie postérieure classique, pour s’assurer d’une exérèse complète.
Ces auteurs ont pu démontrer l’absence de fragments épidermiques non décelés par la voie a minima, et ont montré au contraire que la région de l’épitympanum antérieur était beaucoup mieux contrôlée sous optique a minima (« stab incision ») que sous microscope et voie classique (« open approach »).
Bowdler rapporte que sur une série de 16 voies a minima, il existait trois résiduels, dont deux situés dans l’épitympanum antérieur qui n’étaient visibles que sous optique.

Auteurs

Nombre de procédures
a minima« stab incision »

 Elargissement en voie postérieure classique
« Open approach »

Poe et Youssef

13

33 %

Mac Kennan

12

50 %

Rosenberg

10

60 %

Bottril

9

50 %

Thomassin

54

0 %

Cette technique apparaît ainsi parfaitement réalisable et suffisante dans une proportion qui varie selon les auteurs et leur expérience de 70 à 98%.
Si nous avons pu réaliser l’exérèse de tous nos cas de cholestéatomes résiduels, les autres opérateurs élargissent cette voie d’abord dans 1 à 2 cas sur 3 en présence de cholestéatome résiduel. Le cas d’élargissement que nous avons effectué a été motivé par le déplacement de la reconstruction sans qu’il existe de cholestéatome résiduel ou de récidive.
A aucun moment le saignement ou la réossification mastoïdienne nous ont fait abandonner cette technique.

  c-Conclusion
L’utilisation des optiques dans la chirurgie de révision du cholestéatome a considérablement modifié notre prise en charge chirurgicale.
Nous effectuons actuellement la majeure partie de nos contrôles pour des oreilles stables par des voie d’abord à minima. Cette technique nous a donné entière satisfaction. Nous n’avons été  amené à l’agrandir par voie postérieure classique dans un cas  en raison d’un déplacement de la reconstruction du cadre.
Il est évident que cette technique n’a pas de place lorsqu’il existe une invagination tympanique avant la révision ou lorsqu’il existe une récidive manifeste de la maladie.
Dans ces éventualités, il faudra effectuer une chirurgie conventionnelle sous microscope opératoire.
Dans tous les cas de cholestéatome résiduel dans les cavités postérieures ou  au niveau de la caisse, la voie a minima nous a permis d’en réaliser l’exérèse.
Cette technique présente en outre de multiples intérêts. Elle confère au chirurgien une très grande sécurité dans le bilan des cavités mastoïdiennes ou épitympaniques et plus précisément  dans sa région antérieure  comme la fossette supratubaire. Elle permet un abord atraumatique pour la muqueuse de recouvrement des cavités postérieures, évite les suites opératoires longues et les pansements et donc autorise une reprise professionnelle plus rapide. Elle se fait volontiers sur un mode ambulatoire et s’inscrit  parfaitement dans un concept de chirurgie   minimale invasive. Elle permet ainsi une diminution du coût de santé.